En 2022, 73 000 passagers ont volé entre Rodez et Paris. José A. Torres
« Une première mondiale », c’est ainsi que le gouvernement s’est réjoui d’annoncer l’interdiction de certains vols intérieurs. Si l’Aveyron n’est pas concerné par cette mesure, l’aéroport de Rodez souhaite faire valoir son rôle, soulignant l’importance de la « ligne structurante » vers Paris.
Pointée du doigt pour son impact environnemental, l’aéronautique serait-elle en danger en France ? En tout cas, avec la régulation des vols intérieurs – lorsqu’une alternative de moins de 2 h 30 en train est disponible – décrétée par le gouvernement le 23 mai dernier, c’est un premier signal négatif qui est envoyé avant le décollage. Une situation qui ne touche pas l’aéroport de Rodez, faute de transport alternatif rapide vers la capitale. « Dans une région comme la nôtre qui est un territoire isolé et qui n’est pas desservie par le TGV, avoir un aéroport est essentiel, estime Christian Tieulié, président de la SAEML 12, qui pilote cette infrastructure. C’est pour cela que la ligne Rodez-Paris est d’ailleurs catégorisée comme une Ligne d’aménagement du territoire (LAT). »
Fréquentation au beau fixe
« Il n’y a pas d’alternatives à l’aérien ici. En train ou en voiture, nous devons compter 7 h pour rallier Paris. Lorsque l’on se situe à Lyon, la donne est différente, mais en Aveyron nous sommes obligés », poursuit celui qui est également vice-président du Département.
D’autant que l’aéroport se défend par son bilan flatteur. « L’activité a repris de plus belle, la fréquentation de cette ligne est identique à celle de l’année 2019 », assure Vincent Meneghetti, directeur de la plateforme. En 2022, 73 000 voyageurs ont transité par ces avions gérés par la compagnie Amelia, filiale commerciale de Regourd Aviation. « Ce, alors que nous avons une rotation de moins. En 2019 nous avions trois allers-retours chaque jour, nous en avons deux aujourd’hui, ce qui prouve que les vols sont remplis et très prisés », complète Vincent Meneghetti. Un mode de transport « essentiel » pour l’économie locale. La direction de l’aéroport l’assure, 80 % des passagers s’envolent dans l’exercice de leurs fonctions professionnelles, l’Aveyron gardant des liens très forts avec la capitale.
Au-delà de la simple ligne ralliant le Piton aux bords de Seine, trois destinations sont au départ de l’aéroport. Gérés par Ryanair – qui va fêter ses 20 années de présence dans l’Aveyron – ces vols permettent de rejoindre trois capitales européennes, Londres, Dublin et Bruxelles (via l’aéroport de Charleroi, NDLR). De ce côté également, la fréquentation est au beau fixe. « Nous avons un excellent taux de reprise par rapport à 2019, cela s’explique par le caractère de notre territoire, se réjouit Christian Tieulié. Le tourisme vert devient très prisé par les étrangers, et Rodez est en cela une destination idéale. »
Le directeur ajoute des indicateurs comptables à ces propos. « Nous sondons les voyageurs qui transitent par l’aéroport. D’après les données que nous remontons, nous pouvons dire par exemple qu’en moyenne, un Irlandais qui voyage à Rodez passe 9 jours en Aveyron, et dépense 1 035 €, sans compter la location d’un véhicule. »
Deux jets privés chaque jour
Depuis peu, Rodez est également relié au réseau Sky Valet, marque rattachée au groupe Aéroports de la Côte d’Azur, spécialiste dans les vols d’affaires privés. Ainsi en une année, entre 500 et 600 jets privés atterrissent sur le territoire rouergat.
Toute une offre qui fait la « force » de l’infrastructure ruthénoise, en assurent ses dirigeants. Toutefois, si des discussions sont en cours afin de proposer de nouvelles destinations au décollage de Rodez, la priorité n’est pas là. « Notre objectif est de conforter la ligne vers Paris car elle est nécessaire à l’attractivité de notre territoire », explique le président de la SAEML 12. Car l’année à venir s’annonce déterminante. En tant que LAT, les vols Rodez-Paris sont structurés par une Délégation de service public (DSP). Or, celle-ci est vouée à se renouveler en 2024, octroyant la gestion de cette ligne jusqu’en 2028. À voir si Amelia pourra pleinement déployer ses ailes.
En chiffres
Une centaine de personnes sont employées sur le site.
21 millions d’euros de retombées directes sont à comptabiliser pour le PIB aveyronnais.
4,25 millions d’euros sont injectés chaque année par les touristes étrangers atterrissant à Rodez.
1 500 c’est la fréquentation record d’une journée à l’aéroport, au plus fort de la saison.
Stratégie : développer les infrastructures avant l’offre
45 emplois à la clé. C’est tout l’enjeu de l’extension du volet entretien et rénovation aéronautique déjà présent sur le site. À l’heure actuelle, Amelia embauche 7 techniciens chargés de tenir le centre de maintenance dans les locaux mitoyens de l’aéroport, mais le projet devrait s’étendre. « Les hangars vont être transformés, ce qui permettra à Amelia Tech de développer ses activités, une fois ceci finalisé, une cinquantaine de personnes travailleront sur place », annonce Vincent Meneghetti. C’est le projet majeur de développement de l’aéroport ruthénois. « Avant de proposer de nouvelles offres commerciales, nous voulons assurer la pérennité du site en développant ses activités », assure le président. Un projet industriel ambitieux, dont l’appel d’offres consécutif à la DSP sera décisif. Car si Amelia perd le droit d’exploiter la ligne Rodez-Paris, le projet pourrait connaître quelques turbulences.
Alexis Roux – La Dépêche – le 14/06/2023