Heiko Carrie, directeur général de Bosch France, était ce mercredi 19 octobre sur le site castonétois. Se voulant rassurant quant aux engagements sur le maintien de l’emploi au sein de l’usine, il a également annoncé un renforcement des activités historiques, à savoir la production de buses et bougies pour moteurs diesel. Entretien.Qu’est-ce qui vous amène aujourd’hui sur le site de l’usine Bosch d’Onet-le-Château ?
Je viens à l’invitation des représentants du personnel pour faire le point avec eux sur la situation après la signature de notre accord de décembre 2021. Ils m’ont invité car ils sont inquiets sur le progrès de certains projets, surtout Fresh 2, notre solution hydrogène pour des camions frigorifiques. Nous avons fait un état des lieux, un tour de table et j’ai rappelé quelques messages clé. Comme le fait que nous faisons des progrès sur un grand nombre des projets concentrés sur le site suite à cet accord, ce qui est une très bonne nouvelle.
Le projet Fresh 2, un système de réfrigération des camions fonctionnant à l’hydrogène, accusera selon les syndicats de l’usine un retard de deux ans ?
Je ne sais pas qui a développé ce chiffre… tout dépend du marché. La solution technique sera prête selon le timing. Les investissements en matière de recherche et développement seront bien au-delà de ce que nous avons prévu dans notre accord. Sur les investissements dans les lignes de fabrication, on attend la décision du client, comment il va se positionner. Pour ce projet hydrogène, on est un peu en décalage avec les activités. C’est surtout la conséquence du fait qu’il faut développer un tout nouveau marché, qui n’existe pas encore. Il faut travailler avec le client, faire du lobbying sur l’hydrogène dans sa globalité. J’ai également expliqué que ce décalage est un peu normal pour un projet qui commence de zéro. J’ai réaffirmé la volonté de Bosch de suivre cette stratégie. On croit à cette solution hydrogène. Et on va poursuivre avec une grande volonté et des financements nécessaires pour mettre en œuvre tout cela.
Que s’est-il alors passé entre la signature de l’accord avec les syndicats, en décembre, où vous sembliez confiant par rapport à ce projet, et aujourd’hui ?
Il y a bien sûr des crises énormes, c’est clair. Mais Bosch est plutôt résilient, même si nous sommes obligés de regarder de très près nos budgets et de contrôler les coûts. Mais surtout, on a avancé sur les discussions avec le client (le transporteur Carrier, NDLR) et ce dernier a un peu peaufiné son planning et nous avons peaufiné le nôtre. Le résultat entraîne un certain décalage.
C’est un coup dur pour la diversification, dont Fresh 2 devait être point central ?
L’hydrogène est l’un des socles, mais ce n’est pas le seul. Nous avons six projets de diversification « insourcing » sur le site, ils se développent selon le planning. Nous avons aussi prévu, dans notre accord, l’éventualité d’un décalage des projets, et pour cela nous avons mis dans notre accord la possibilité de faire des volumes supplémentaires sur des produits qui sont actuellement déjà sur place. Nous avons dit : si un ou deux projets n’arrivent pas à l’heure, on a cette réserve.
Pour « remplacer » votre projet autour de l’hydrogène, il est question de remonter en puissance sur les activités originelles de l’usine, à savoir les buses et les bougies pour moteurs diesels ? Est-ce pour vous un constat d’échec de la diversification ?
Buses et bougies font partie de la réserve, ils sont dépendants de l’évolution et vont rester en permanence sur le site. C’était dès le début dans notre accord. On avait plusieurs piliers. La technologie diesel était l’un d’entre eux, dès le début. Il y avait aussi la diversification dans les produits dits « insourcing », fabriqués auparavant à l’extérieur, puis l’hydrogène, le troisième pilier. L’hydrogène correspond à une certaine partie de cette diversification, mais ça ne fait pas tout. Non, je ne parlerai pas d’un échec.
Il y a donc un avenir pour le diesel à moyen terme ?
On parle beaucoup du diesel et de la fin des moteurs thermiques en 2035 en Europe. Il faut aussi comprendre que ce n’est pas exclusivement l’Europe qui fait le marché. Il y aura des diesels et des moteurs thermiques en dehors de l’Europe pour longtemps, bien après 2035. Il y a une stabilité sur les produits diesel qui est rassurante pour tous les acteurs dans ces métiers pour du court terme. Nous, Bosch, en tant que groupe, nous allons vers les nouvelles technologies, vers une technologie propre, sans carbone, ça n’empêche pas d’améliorer la technologie existante dans le thermique.
Quelles sont les autres pistes de diversification de la production et où en sont-elles ?
Les barres de torsion sont en production depuis fin 2020. Les corps de soupape limiteur de pression, corps de bougies, éléments de régulateur de pression seront produits au quatrième trimestre 2022. Ensuite, pour le premier semestre 2023, des douilles d’arrêt, corps de régulateur de pression et raccord long haute pression. Il s’agit de produits mécaniques mais aussi et surtout des produits pour lesquels on a besoin des savoir-faire de ce site : d’abord être capable de gérer les grandes pressions, comme pour les injecteurs et ensuite la capacité de travailler en finesse, avec une grande exactitude, au micro-milimètre près. C’est quelque chose de nécessaire pour ces produits.
Comprenez-vous l’inquiétude des salariés et des syndicats ?
Je comprends, bien sûr. Néanmoins je dirais pour un projet comme Fresh 2 pour lequel il faut développer un marché, ce qui se passe est tout à fait dans le périmètre de la normalité que cela ne se réalise pas exactement comme on l’a prévu.
Êtes-vous confiant sur la capacité de Bosch d’assurer la pérennité du site avec 513 emplois équivalent temps plein à l’horizon 2028 ?
J’ai répété ce message aujourd’hui, c’est notre engagement, le nombre total de nos collaborateurs sera de 513 personnes en 2028.
Propos recueillis par xavier buisson – La dépêche – le 20/10/2022