Quelques jours après l’inauguration de sa nouvelle usine du futur dans le Lot, le PDG de Figeac Aero dévoile sa stratégie d’expansion et fait un point sur la crise que traverse le Boeing 737 MAX qu’il fournit. Projets à l’international, croissance à deux chiffres… Jean-Claude Maillard maintient son plan de vol.
Le patron de Figeac Aero a l’habitude des visites en grande pompe. En 2015, il avait accueilli le président François Hollande dans le cadre de « La Nouvelle France industrielle » pour présenter son projet de nouvelle usine 4.0 (7 500 m2 et douze machines d’usinage en ligne automatisées). Quatre ans et 37 M€ d’investissement plus tard, c’est Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie qui est venue l’inaugurer le 28 mars dernier.
Jean-Claude Maillard contemple le chemin parcouru depuis la création de l’entreprise en 1989. « À l’époque nous faisions zéro de chiffre d’affaires » se souvient le fondateur. Pour l’exercice qui se clôturera au 31 Mars 2020, Figeac Aéro dépassera la barre des 500 M€ de chiffre d’affaires. « Avec un demi-milliard de chiffre d’affaires, nous sommes devenus les leaders de la sous-traitance aéronautique européenne » assure le Lotois. Figeac Aero affichera encore une croissance de 15 à 20 % cette année. C’est quatre fois plus que ses concurrents. Mais quelle est la recette du groupe qui emploie aujourd’hui 4 000 salariés ? « La croissance est dans nos gênes depuis l’origine. Notre obsession pendant les quinze premières années c’était grandir afin d’atteindre une taille critique de 50 M€ de chiffre d’affaires pour rester fournisseur de rang 1 d’Airbus » explique Jean-Claude Maillard. Historiquement, l’entreprise s’est donc construite autour d’une direction commerciale puissante, un service de pilotage des affaires nouvelles performant et d’une préparation technique pointue pour industrialiser les affaires gagnées.
Une pluie de contrats
Une stratégie de conquête qui s’avère payante puisque les succès commerciaux s’enchaînent : Airbus, Latécoère, Messier-BugattiDowty pour des trains d’atterrissage, l’Américain Spirit AeroSystems, Israel Aerospace Industries, le Brésilien Embraer, le Canadien Bombardier et même Boeing pour son nouveau 777 X. Le contrat de 500 millions d’euros décroché auprès de Safran Aircraft Engines pour les moteurs LEAP (A320 NEO, Boeing 737 MAX et C919 chinois) assure à lui seul une visibilité de huit ans. Figeac devra produire 1 200 carters pour moteurs par an. L’empreinte du groupe est désormais mondiale avec un cœur battant dans le Lot mais autour duquel est construit un réseau international : une usine à Wichita aux Etats-Unis qui a permis de conquérir Boeing et des implantations low cost en Tunisie, au Maroc ou encore au Mexique. C’est aussi ce panachage entre la France et une production moins chère qui a permis à Figeac Aero de remporter des marchés. « C’est un savant dosage. Il faut être compétitif en France, aux USA en investissant sur les hommes et les machines les plus modernes pour livrer de la qualité à l’heure. Mais dès 2010 les process et la technologie ne suffisaient plus pour rester dans la course. Il a fallu associer des pays à faibles coûts de main-d’œuvre » explique le PDG.
Une nouvelle implantation en Chine
Cette présence mondiale est aussi un moyen pour le Lotois de se roder à l’international d’élargir son terrain de jeu. Le marché mondial de la sous-traitance aéronautique pèse 30 milliards d’euros. Figeac Aero a créé l’an dernier une société commune avec le Chinois Shandong Nanshan Aluminium pour produire des pièces en aluminium. « Non pas pour baisser les coûts car ils sont supérieurs à ceux de Tunisie ou du Mexique mais pour se positionner sur un des plus gros marchés au monde » confie Jean-Claude Maillard. En ligne de mire : le futur concurrent de l’A320 mais aussi de l’A350 car « les Chinois vont créer une gamme complète dans l’aviation commerciale et l’aviation d’affaires sans oublier le secteur militaire ». Et Figeac Aero compte bien en être car jusqu’à présent c’est la société d’Etat AVIC absorber tous les contrats mais elle va désormais créer son propre réseau de sous-traitance. Les premières pièces devraient sortir de cette unité de production commune d’ici un an et demi. Figeac Aero réfléchit déjà à contractualiser avec un deuxième partenaire. En Russie, le groupe lotois ambitionne de signer un premier contrat dans la « vallée du titane » afin de produire des pièces aéronautiques avec ce matériau à « un prix raisonnable ».
80 à 100 M€ d’investissement par an
Cette croissance appelle le maintien de forts niveaux d’investissements. S’ils ont atteint jusqu’à 100 M€ par an, le rythme va décroître pour se stabiliser entre 60 et 80 M€ alors que les niveaux de croissance s’afficheront toujours à deux chiffres, au-dessus de 10 %. Mais l’industriel Jean-Claude Maillard s’est peu à peu transformé en financier avec le souci que Figeac Aero affiche un flux de trésorerie positif après paiement des investissements. Ce que la finance appelle le « free cash flow ». L’objectif est de préserver des marges de manœuvre à l’entreprise dans un contexte de forte croissance qui exige forcément un fort besoin en fonds de roulement (BFR) pour financer le cycle de production. La gestion des stocks a été optimisée, les achats de matières premières négociés au plus serré, le cycle de production réduit, etc. Cette production de cash disponible permet à Figeac Aero d’éviter un recours aux marchés financiers qui « dilue l’actionnaire petit à petit » glisse le PDG qui contrôle encore 75 % du capital. Revers de la médaille, l’objectif de 650 M€ de chiffre d’affaires prévu pour 2020 est décalé à 2023.
Pas d’impact avec le Boeing 737 MAX
D’ici la croissance sera surtout organique avec peu de projets de rachats d’entreprises. « J’ai peu de projets de croissance externe en ce moment car les valorisations des entreprises ont atteint un maximum. Acheter à ce prix élevé ne serait pas pertinent » analyse Jean-Claude Maillard.
Par ailleurs, pour l’instant la croissance de Figeac Aero n’est pas impactée par les déboires du 737 MAX qui est interdit de vol. Boeing vient pourtant d’annoncer une réduction de 20 % de la production de son best-seller suite aux deux crashes de Lion Air et Ethiopian Airlines. Seuls 42 appareils sortiront des chaînes de Renton près de Seattle contre 52 prévus. La montée en cadence à 57 avions par mois à partir de juin n’est plus d’actualité mais Jean-Claude Maillard ne change pas ses plans : « Pour le moment, cela n’a pas d’impact car le seul produit que nous fabriquons pour le 737 MAX sont des pièces pour le moteur. Safran n’a pas modifié le volume commandé » assure le dirigeant.