Après un recul de 3,9 % des investissements en 2017, la Banque de France prévoit cette année un rebond de 10,2 %, mais il concerne des secteurs en forte croissance au niveau mondial.

La décision de Ford de lancer fin juin un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) pour les 886 salariés de son usine de boîtes de vitesses automatiques à Blanquefort (Gironde), dans la métropole bordelaise, ou encore les difficultés très médiatisées de GM & S à La Souterraine (Creuse) rappellent que si l’industrie a repris des couleurs en Nouvelle-Aquitaine, cela est avant tout cantonné à certains secteurs d’activité. L’aéronautique et le luxe dans l’ancienne Aquitaine, les énergies renouvelables dans l’ex-Limousin et les nouvelles batteries dans l’ancien Poitou-Charentes. Des investissements qui sont aussi ciblés géographiquement, souvent près des grandes villes. Ainsi, si Hermès a décidé d’installer, en 2020, un atelier de maroquinerie en Gironde dans un village de 1 000 habitants (Saint-Vincent-de-Paul), avec à la clé la création de 250 emplois, c’est parce que Bordeaux, situé à 20 kilomètres, bénéficie d’une forte attractivité. Afin de choisir le département d’implantation de ce nouvel atelier et former du personnel, le géant français du luxe a sondé ses salariés parisiens de Pantin (Seine-Saint-Denis) pour savoir où certains aimeraient emménager s’ils devaient quitter l’Ile-de-France. Et ils ont très majoritai­rement répondu Bordeaux.

C’est aussi l’une des raisons qui pousse l’avionneur Dassault Aviation à agrandir son usine de Mérignac (Gironde) où sont assemblés les Rafale et les Falcon et qui emploie déjà 1 400 personnes. Un bâtiment est en cours de construction pour accueillir 400 nouveaux salariés d’ici à 2022, dont bon nombre seront délocalisés de ses sites en région parisienne. Toujours dans l’aéronautique, Safran Helicopter Engines va embaucher, en 2018, 120 personnes à Bordes (Pyrénées-Atlantiques) et à Tarnos (Landes) pour absorber le surcroît d’activité, après une période difficile, qui l’a contraint à diminuer de 10 % son effectif en trois ans. En outre, l’avion­neur investit 60 millions d’euros à Tarnos qui est en train d’évoluer vers une usine du futur avec son projet Cap 2020. Mais, l’aéronautique et le luxe ne doivent pas faire oublier le poids de l’agroalimentaire dans la région, qui est la championne d’Europe en la matière. Aqualande, par exemple, le spécialiste de la truite fumée, construit actuellement une usine de 5 000 mètres carrés près de son siège social à Roquefort (Landes). Un investissement de 12 millions d’euros, qui va générer 280 embauches d’ici à la fin de 2019.

Des commandes au beau fixe

En ex-Poitou-Charentes aussi, les carnets de commandes dans l’industrie sont au beau fixe. Selon la Banque de France, la dynamique de demandes n’a jamais été aussi forte depuis dix ans. Dans la Vienne, l’axe Poitiers-Châtellerault connaît un nouveau souffle. Si auparavant 11 grands établissements de production (Safran, Thales, Valeo, Fenwick…) représentaient à eux seuls plus de 50 % de l’emploi industriel du département, la donne va changer avec l’arrivée de Forsee Power, un concepteur de batteries électriques qui s’installe à Chasseneuil-du-Poitou, dans l’ancienne usine de Federal-Mogul, un fabricant de pistons pour moteur diesel, avec à la clé la création de 300 emplois d’ici à 2021, dont 130 avant la fin de l’année. Forsee Power va passer du stade de pré-industrialisation à celui d’industrialisation de ses batteries intelligentes pour véhicules électriques (sauf les automobiles). Pour faciliter cette implantation, la communauté urbaine du Grand Poitiers n’a pas hésité à mettre la main au portefeuille en rachetant le site (8 millions d’euros) fermé depuis 2014. Un aménagement provisoire des locaux permettra de lancer la production dès cet été. Le nouveau site s’étendra sur 15 000 mètres carrés et sera équipé de six lignes de production automatisées et de laboratoires de tests.

Toujours aussi attractif, le fabricant de batteries pour l’industrie Saft, qui souffle ses 100 bougies, développe des marchés, comme les systèmes avancés pour la défense, la marine et les voitures de course. «  En 2020, notre capacité de production aura doublé pour la division électronique. Le site de Nersac (Charente) produira 34 millions de piles, soit 120 piles à la minute  », précise Paul Gallot-Lavallée, le directeur de la division espace. Des recrutements sont en cours. Safran Electronics & Defense n’a pas à rougir. L’entreprise va participer à la construction du plus grand télescope au monde. Pour cela, elle a investi plus de 30 millions d’euros pour une nouvelle chaîne de polissage et prévoit une cinquantaine d’embauches dans l’année.

Dans le Limousin, les investissements industriels se multiplient à l’image de la société grenobloise Isorg qui implante son usine de 3 300 mètres carrés sur la technopole de Limoges (20 millions d’euros). Objectif : fabriquer des photodétecteurs et capteurs d’images de grande surface en électronique organique imprimée grâce à une technologie qui transforme des surfaces plastique ou en verre en des surfaces intelligentes, capables de vision. La mise en service est en cours avec cinquante emplois au départ. «  Notre projet vise non seulement à développer une société industrielle de haute technologie, mais aussi à contribuer à l’émergence et à l’essor de cette nouvelle filière industrielle aux perspectives considérables que représente l’électronique imprimée  », explique Jean-Yves Gomez, le président d’Isorg.

De nombreux projets dans les énergies renouvelables

Le secteur des énergies renouvelables a le vent en poupe avec quatre projets, notamment l’usine de pellets torréfiés Carbon Ingen’r Bugeat-Viam à Bugeat (Creuse) dont les travaux pourraient débuter fin 2018. Un investissement de près de 20 millions d’euros. Cette technologie réduit le taux d’humidité, rendant les granulés hydrophobes. Mais son initiateur, Pierre-Henri Gaudriot, se heurte à une forte opposition. «  Nous attendons que les recours soient purgés pour commencer les travaux, même si nous avons le permis  », tempère-t-il. L’usine produira 45 000 tonnes de pellets par an à partir de bois locaux qui alimenteront en partie le réseau de la Compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU). Une vingtaine d’emplois sont prévus sur site, plus de 30 à 40 en forêt.

à la suite des appels à projets du ministère de la Transition écologique, deux mini-centrales de cogénération de trois méga­watts (MW) vont sortir de terre à Bourganeuf (Creuse), au premier semestre 2019, et à La Souterraine, fin 2019, portées par l’auvergnat Combrailles Bois énergie, pour un investis­sement global de 18 millions, avec 50 emplois à la clé. Une troisième centrale de 2,3 MW s’achève à Moissannes (Haute-Vienne) à l’initiative de Bois et Scieries du Centre avec l’installation de trois presses granulés et palettes (20 millions). Une vingtaine d’embauches sont programmées mais les candidatures sont rares. «  Je dois trouver des compétences en maintenance afin d’assurer le fonctionnement 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, annonce Gilbert Morlon, son président. Un salarié non qualifié est engagé à 1 500 euros nets par mois.  » Les a priori négatifs sur la filière bois, le travail en zone rurale loin des grandes métropoles semblent freiner les candidats.

Ils investissent ici

  • Hierros Añon et Sipro Stahl investissent dans un laminoir
    Le groupe hispanique Hierros Añon et le suisse Sipro Stahl, deux métallurgistes qui ont repris les Laminoirs des Landes en février 2017, viennent de lancer la construction d’une installation sidérurgique (un laminoir et des zones de stockage de 23 600 m²) sur le port de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), pour produire des tôles d’acier pour le sud de l’Europe.

 

  • Silab se dote d’un centre de formation
    Spécialiste des actifs naturels (290 salariés, 45 millions de chiffres d’affaires), Silab lance cet été la construction de son centre de formation de 4 500 m2 à Saint-Viance (Corrèze), un investissement de 10 millions pour une ouverture au début de 2020. Une seconde unité de biotechnologies (5 millions) sera aménagée d’ici à 2019-2020.

 

  • Bati-rénov relocalise et recrute
    Après avoir délocalisé sa production en Roumanie, Christophe Lacombe a choisi de revenir sur ses terres à Varaize (Charente-Maritime), en investissant 3 millions d’euros dans un nouveau bâtiment de production de volets et de portails en polyuréthane. Son ambition : redynamiser le bassin d’emploi en recrutant 30 personnes dans les deux ans, et réaffirmer sa position de leader en France.

 

  • Gainotech construit sa seconde usine
    Fabricant de blocs-portes techniques en bois, Polytech a engagé 5 millions d’euros pour construire sa seconde unité Gainotech sur la zone d’activités d’Eyrein (Corrèze) afin de produire des châssis vitrés anti-feu, courant 2019. Vingt recrutements sont prévus et autant chez Polytech sur une nouvelle ligne de production (1 million d’euros).

 

  • Minerva Oil renaît de ses cendres
    Détruite par un incendie le 26 octobre 2017, l’usine Minerva Oil à Meuzac (Haute-Vienne), qui prépare et conditionne des huiles, est en cours de reconstruction (entre 10 et 12 millions) sur des terrains qui l’éloignent un peu du centre-bourg. Le site s’étendra sur 11 000 m2, dont 6 000 m2 couverts, pour une mise en service progressive cet automne avec une cinquantaine de salariés.

 

  • Les Roches Bleues produit de l’eau de source
    L’usine d’embouteillage de Bussière-Galant dans la Haute-Vienne a lancé sa production d’eau de source. Cette unité de 5 680 m2 (12 millions d’euros) emploie huit salariés et vise 15 millions de bouteilles par an. Exploitée depuis 1860, cette source a étanché la soif des ouvriers mobilisés par la construction du Canal de Suez. Son activité avait cessé en 1987.
    GT Logistics embauche
    Le secteur de la logistique est en plein essor. GT Logistics, implanté à Bassens (Gironde), qui emploie déjà 1 300 salariés et affiche 58 millions d’euros de chiffre d’affaires, recrute 250 personnes en 2018. Des opérateurs, mais aussi des chefs d’équipe sont recherchés pour l’un des 30 sites de ses clients en France : à Vesoul (Haute-Saône) et à Versailles (Yvelines) en sous-traitance pour PSA dans l’automobile, à Fougères en Bretagne pour Safran Electronics & Defense, et aussi dans la fibre optique pour Prysmian en région Auvergne-Rhône-Alpes.

 

  • Lim Group croît au galop
    Le leader mondial de la sellerie de sport dans l’équitation, dont le siège social est à Nontron (Dordogne, 500 salariés et 50 millions d’euros de chiffre d’affaires), va lancer un programme d’investissement de 5 millions d’euros, dont 3 millions en R & D, en particulier pour développer les produits connectés. Une stratégie qui va l’amener à recruter 50 personnes cette année, des selliers et aussi des spécialistes du marketing et des objets connectés.

 

  • Mecafi recrute non-stop
    Tout juste sortie de terre, l’usine de Mecafi à Châtellerault (20 millions d’euros) est entièrement dédiée à la fabrication d’aubes pour le moteur d’avion Leap, produit par General Electric et Snecma au sein de CFM International. Si au départ une dizaine de salariés a rejoint les rangs, ils sont désormais plus d’une centaine à être recrutés pour des postes de fonctions support qualité, opérateurs procédés spéciaux, teams leaders ou encore des techniciens de maintenance.

 

  • Lisi Aerospace monte en puissance
    Le site de Parthenay (Deux-Sèvres) a inauguré il y a un an son agrandissement de 4 500 m², pour 20 millions d’euros d’investissement. également spécialisée dans les aubes pour les moteurs d’avion, ainsi que les pièces de structure d’aéronef, l’entreprise a prévu une centaine d’embauches pour répondre à la demande. « Nous sommes sur le rythme de doubler notre chiffre d’affaires tous les cinq ans : 12 millions d’euros en 2010, 25 millions en 2015 et nous visons 50 millions en 2020 », précise Emmanuel Viellard, le directeur général de Lisi.

Source : www.usinenouvelle.com – Lydia de Abreu (Niort), Corinne Mérigaud (Limoges) et Nicolas César (Bordeaux)  – Publié le 12/07/2018 À 12H48 – En Nouvelle-Aquitaine, tous les voyants sont au vert ou presque